Il y a eu les planches de skate dessinées par Isabel Marant pour
Heritage Paris en 2013 puis le défilé Tommy Hilfiger printemps-été 2014
dédié au Californian way of life. Depuis, la coolitude semble
indissociable de sa planche, qu’elle soit à roulettes ou non. Et pour
celles qui ne seraient pas branchées glisse, le lifestyle du surf
permettrait à toutes d’approcher de près ou de loin l’idéal d’un corps
sain habillé toute l’année en Bikini tie & dye. Tendance durable ou
vague éphémère dans le cycle des modes saisonnières ? Enquête.
Si
vous tombez sur des Instagram de hippies ayant l’air de sortir tout
droit d’une retraite méditative en Inde, détrompez-vous, ces clichés
datent de 2015. Profs de yoga s’étirant sur le sable, blogueuses fans de
green juice et de macramé, célébrités posant sur un stand-up paddle…
Toutes ces déesses du bien-être ressuscitent l’imagerie baba cool à
coups de #gypsy, #livefolk ou #wildandfree, des hashtags libertaires que
semble vivre la surfeuse IRL (in real life, ndlr). En identification à
cette naïade moderne, les filles qui suivent les tendances adoubent le
retour du style 70’s empreint de longues robes à motifs cachemire et de
gros bijoux mystiques. « Beaucoup de créateurs comme Isabel Marant ont
repris cet esprit bohème – les imprimés gipsy, les détails indie…,
observe Isabelle Weppe, responsable du design Femme de Billabong en
Europe. Ce côté boho beach avec un côté rock, c’estl’ADN de notre
marque ! »Dans le vestiaire de la surfeuse, une notion toute nouvelle est apparue : l’attitude. Simplement fashion chez certaines, rétro ou alors carrément sexy chez d’autres, elle change la donne dans le milieu. Certaines athlètes comme Alana Blanchard ont bâti un empire d’admirateurs sur Instagram avec leurs photos de performances en joli maillot. L’égérie Rip Curl a même une ligne à son nom, Alana’s Closet, constituée de tout petits Bikinis et de brassières lacées dans le dos. Son impératif ? Que cela tienne dans les grosses vagues.
Alana Blanchard, la sexy surfeuse au million de followers. © Instagram @alanarblanchard
Pour être dans le coup, les marques ont donc amélioré leur offre destinée aux femmes depuis quatre ou cinq ans. William, chef de projet pour la marque Waiting for the Sun (détentrice du surf concept-store Wait à Paris, ndlr) remarque qu’avant, « les filles essayaient de ressembler aux mecs avec leur boardshort. Maintenant, elles ont des combis et des maillots plus féminins ». Christelle Kipping, responsable marketing de Billabong Womens Europe, confirme ce penchant : « Avant, les wetsuits étaient noirs et très masculins. Depuis quelques années, il y a une forte demande de pièces plus sexy. Avec le retour du Néoprène, certaines utilisent même les combis courtes de la ligne Active en guise de maillot de bain. » Hors de l’eau aussi, le style a son importance. « Nos clientes sont de plus en plus à la recherches de produits « pretty sport », affirme Marie Lauga, responsable globale du design chez Roxy. Les codes du surf viennent côtoyer ceux du prêt-à-porter pour créer des produits hybrides à la fois fashion et agréables à porter. »
C’est que cette clientèle a besoin d’avoir le choix. Très connaisseuses en la matière, les free surfeuses (qui pratiquent cette activité pour le plaisir) ont un avis aussi bien pratique qu’esthétique sur la question. Exemple avec Lolita Brisson, fondatrice du webzine « Surf Madame », qui s’habille dans la vie chez Element et Rvca pour leur côté nature et coloré ou dans la gamme Designer’s Closet de Billabong qu’elle juge plus mature que la plupart des marques de glisse. Sur sa planche, elle opte pour les Surf Capsule de Billabong (des combinaisons alliant technique et style). « J’en ai plein, annonce-t-elle, c’est confortable pour surfer et je les trouve vraiment jolies. J’ai aussi découvert récemment les surfsuits Albertine, j’adore leur style rétro et leurs imprimés. »
Les filles se jettent à l’eau
On remarque que le milieu, réputé pour être macho, s’est ouvert aux filles. Les surfeuses pro ont assez prouvé qu’elles en avaient sous la planche. Et la tendance du SUP (stand-up paddle) a rendu la glisse plus accessible. Du coup, les filles sont toujours plus nombreuses à s’inscrire aux cours de surf !Afin de satisfaire cette cible juteuse, les marques historiquement masculines ne s’arrêtent donc plus au prêt-à-porter : elles enrichissent le design de leurs combinaisons femme, créant un mix entre le maillot coloré et le wetsuit technique. Depuis quatre saisons, Billabong joue sur l’esthétique vintage avec ses Surf Capsule. Roxy met également en avant des collections capsule nommées Pop Surf avec du color block et des motifs tropicaux sur des pièces en Néoprène moulant. Enfin, chez Rip Curl, la ligne Bikini Bomb affiche des imprimés en all over, des couleurs plus franches et des décolletés échancrés. En bref, fini le shorty mi-cuisses qui donnait un bronzage bicolore ! Résultat, les ventes explosent : celles des wetsuits Billabong pour femme ont augmenté de plus de 300% par rapport à l’année dernière.
Mais pourquoi les filles seraient-elles plus sensibles à leur look, y compris dans les vagues ? Lolita apporte un élément de réponse : « De la même façon que l’on aime avoir plein de vêtements et afficher sa personnalité, on aime avoir plusieurs combis et du style dans l'eau. » Même chant des sirènes chez Marguerite Cocquet, une jeune créatrice de surfsuits dont on a découvert la caravane de fripes au dernier festival de bikers Wheels & Waves à Biarritz : « Les filles veulent être différentes des autres. Avec un joli surfsuit, ça te donne encore plus confiance en toi. Tu as l’impression de faire du surf beau. »
Le lifestyle du surf, un nouveau mantra à vivre
Pour attirer ces nouvelles clientes éprises du grand large, les marques misent à fond sur l’univers du bien-être, appuyant leur légitimité sur une batterie d’égéries professionnelles, de shootings ensoleillés et d’événements médiatisés. Il ne s’agit donc pas seulement de style surf mais de mode de vie cool et healthy auquel toutes pourraient accéder. Cet été, Roxy a fait fort pour fêter ses 25 ans (et communiquer sur sa ligne fitness par la même occasion). Tout le monde pouvait s’inscrire aux #RUNSUPYOGA, des sessions mondiales de yoga, running, SUP et s’activer devant des coachs habillés en Roxy. La seule condition ? Venir en vêtements flashy. Shauna Freese, responsable du marketing global de la marque explique : « Nous avons cherché à créer un environnement qui rassemble à la fois le fitness et l’esprit Roxy : fun, plein d’énergie et toujours connecté à l’eau d’une façon ou d’une autre. Nous proposons une approche décalée de la compétition pour encourager les filles à sortir et à s’amuser. Notre athlète et ambassadrice fitness Torah Bright est la mieux placée pour en parler. Elle dit que quand tu réunis un bon groupe de copines, il n’y a rien de mieux ! »
Le cours de yoga géant au #RunSupYoga organisé par Roxy à Barcelone en mai 2015. © Roxy
Au-delà
des rendez-vous estivaux, en ville aussi on guette la vague, et toute
l’année ! « Pour preuve, le succès des cable parks (téléski nautique) ou
des wave gardens (vague artificielle) que l’on attend notamment dans la
capitale d’ici l’été prochain », avance Emmanuelle Hyson du bureau de
style Martine Leherpeur Conseil. Sans oublier les surf shops installés
en plein Paris comme Hoalen, Cuisse de Grenouille, Wait ou même Oxbow qui inaugurait sa maison de surf éphémère
en juin dernier. Une hérésie pour ce sport très nature ? À cette
question, Marguerite Cocquet, qui vit à Oléron toute l’année, répond de
manière enthousiaste : « Au contraire, cela fait découvrir notre
culture. La plage, le soleil, le fait d’aller où tu veux, ça fait rêver
les citadins ! »Du fantasme à la réalité
Pour Emmanuelle Hyson, le lifestyle de la glisse « vend un idéal à l’heure où tout le monde a cette envie de reconnexion à la nature, de mieux manger et de vivre plus sainement. Le surf est aussi cohérent par rapport aux jeunes de 20-30 ans d’aujourd’hui qui voyagent et découvrent l’Indonésie et l’Australie. » Plus que d’activités divertissantes ou de produits marketing bien agencés, il est question des aspirations utopiques d’une génération. Aspirations sur lesquelles jouent les marques de surf bien sûr.Consciente du marketing bien huilé des griffes, l’athlète Justine Dupont nous parle de son quotidien : « Evidemment, pour Billa, je vais faire un beau shooting à Hawaï, c’est quand même plus sympa qu’une photo de moi en Irlande sous la pluie avec une combi 4/3mm (épaisse, ndlr) ! Mais bien entendu, pour les professionnels, il y a la partie entraînement, beaucoup moins drôle. Cependant, je trouve que les marques mettent simplement en lumière ce que l’on fait. On vit dans la nature donc on est plus attentif à notre corps. Je mange de plus en plus bio, je mets de la crème solaire tous les jours, j’hydrate mes cheveux avec de l’huile, je m’étire le soir… Je fais du yoga et de la méditation sans m’en rendre compte ! » Isabelle Weppe, la responsable du design Femme de Billabong, appuie cet argument de la glisse comme mode de vie : « Le bio, le bien-être, le yoga… tout cela est lié à une marque de surf. C’est un état d’esprit qui restera toujours présent car on aura toujours envie de nature, de choses simples… les valeurs de la vie en fait ! » Quant à savoir si cette tendance passera le creux de la vague, la conclusion revient à Marguerite Cocquet, notre créatrice de swimsuits rétro : « Comme toutes les modes, ça ne va pas durer mais ça va revenir. En tout cas, nous on sera toujours là, on sera toujours en train de surfer. »
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